Qu’en est-il de l’inclusion des personnes de la communauté LGBTQ+ dans l’agenda « femmes, paix et sécurité » ?

Image libre de droits sur le site Pixels prise par Jo Kassis

Le 31 octobre 2022, lors de l’Assemblée générale de l’ONU, un expert en droits de l’homme, a mis en évidence l’impact disproportionné et distinct sur les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et de genres divers (LGBTQ+) dans les situations de conflit armé à travers le monde.

En effet, comme l’explique la chercheuse Jamie J. Hagen, malgré l’adoption de la résolution 1325 par le Conseil de sécurité des Nations Unies en 2000 mettant en lumière les conséquences des conflits sur les femmes et les enfants, d’autres groupes victimes d’insécurité et de violence, tels que les minorités sexuelles et de genre, demeurent largement négligées par la communauté internationale.

C’est pourquoi, comme elle le souligne, l’implémentation de l’agenda Femmes, Paix et Sécurité (WPS) est un puissant moyen d’intégrer une perspective de genre dans les activités de paix et de sécurité, bien que les présomptions hétéronormatives et cissexistes puissent continuer d’avoir un effet d’exclusion.

Cas d’illustration : l’explosion du port de Beyrouth au Liban en 2020

Prenons le cas de l’explosion du port de Beyrouth en 2020 pour illustrer l’importance d’intégrer la dimension LGBTQ+ dans les questions de sécurité.

Le 4 août 2020 à 18h07, une double explosion s’est produite au port de Beyrouth, entraînant la mort de plus de 150 personnes et causant des milliers de blessés. Les autorités affirment que cette catastrophe a été déclenchée par un incendie dans un entrepôt contenant des milliers de tonnes de nitrate d’ammonium, stockées pendant six ans sans mesures de sécurité nécessaires.

Le quartier où les membres de la communauté LGBTQ+ vivaient fut gravement impacté et les dégâts ont couté très cher. Non seulement ces personnes étaient déjà dans une position vulnérable mais comme l’indiquait le journaliste Ban Barkawi, « (les) espaces sécurisés que la communauté a mis tant d’années à créer sont devenus des décombres. »

Un rapport de UN Women Arab States publié en 2020 a mis en évidence que la situation économique, combinée à la pandémie de Covid-19, a aggravé la situation. Confrontée à une crise de sans-abrisme, la communauté LGBTQ+ faisait ainsi face à un niveau de stress psychologique et économique très élevé : 62% de ses membres indiquaient une exposition accrue de la violence dans leur milieu de vie actuel, 41% indiquaient qu’ils étaient incapables de payer leur loyer, et 48% ne pouvaient pas accéder à des systèmes d’aide et de support.

Ce sujet est d’autant plus sensible car le Liban ne reconnait pas officiellement les droits des personnes LGBTQ+. Malgré le fait que le pays soit considéré comme un bastion de liberté relative dans un Moyen-Orient largement conservateur, nombreuses sont les personnes qui hésitent encore à reconnaître les droits de la communauté LGBTQ+.

Cette situation est d’autant plus exacerbée par le manque d’attention et de services pour la communauté LGBTQ+ après l’explosion du port de Beyrouth, comme l’a expliqué Tarek Zeidan, directeur exécutif de Helem, une organisation à but non lucratif qui œuvre pour améliorer le statut légal et social des personnes LGBTQ+ au Liban.

Une citation provenant d’un rapport du Center for Feminist Foreign Policy résume particulièrement bien le problème pour les communautés LGBTQ+ en situation de crises etou de conflit à travers le monde : « Les organisations et les militants LGBTQI+ sont généralement exposés à des risques de sécurité, notamment en raison de l’animosité croissante à l’égard des personnes LGBTQI+ dans les situations de conflit et d’après-conflit, particulièrement accentuée par l’absence d’État de droit. Les menaces et les attaques contre les militants LGBTQI+, les restrictions et même la menace de fermeture des ONG travaillant sur les droits des LGBTQI+ les empêchent d’apporter leur contribution aux processus de construction de la paix ».

Conclusion

Malgré les progrès réalisés grâce à la résolution 1325 de l’ONU, l’intégration des personnes LGBTQ+ dans l’agenda « femmes, paix et sécurité » reste un défi majeur, car elle remet en question la conception binaire du genre, de même que la distinction traditionnelle entre sexe et genre. Les travaux de Judith Butler ont étés particulièrement important à ce sujet.

Cette situation est particulièrement importante dans les pays où les droits LGBTQ+ ne sont pas reconnus, et/où la marginalisation de la population LGBTQ+ est exacerbée suite à des risques accrus pour leur sécurité physique et mentale, comme l’a illustré l’explosion au port de Beyrouth au Liban. En effet, les restrictions imposées à ces organisations entravent leur participation à la consolidation de la paix, compromettant ainsi les efforts vers une paix durable et inclusive.

Pour réaliser pleinement l’agenda « femmes, paix et sécurité », il est impératif d’inclure activement les personnes de la communauté LGBTQ+ et de reconnaître et remédier à leur marginalisation et violence subies. Ceci exige des politiques et actions concrètes, ainsi qu’une remise en question des présomptions hétéronormatives et cisnormatives, œuvrant ainsi vers un monde plus juste et équitable comme l’illustre les travaux de recherche de la professeure Jamie J Hagen.

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