Héritières de paix et disruptrices de sécurité : Les jeunes femmes réinventent l’avenir

Vingt-cinq ans après l’adoption de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, il est tentant de dresser un bilan en chiffres : combien de femmes impliquées dans les processus de paix ? Combien de politiques adoptées ? Combien de financements mobilisés ? Mais les jeunes femmes, héritières de cet agenda historique, ne se contentent pas de mesurer les progrès ; elles redéfinissent les règles du jeu. Elles ne demandent pas seulement une place à la table : elles construisent de nouvelles tables, des espaces où la paix et la sécurité prennent des formes inattendues et profondément transformatrices.

De la sécurité comme contrôle à la sécurité comme autonomie

La sécurité a longuement été définie comme une affaire d’État : protéger les frontières, surveiller les populations, maintenir l’ordre. Cette conception hiérarchique, centralisée, et souvent militarisée, est aujourd’hui remise en cause par les jeunes femmes qui osent poser des questions radicales : sécurité pour qui ? Par quels moyens ? À quel prix ?

Ces questions ne sont pas théoriques. Dans les communautés les plus marginalisées, la sécurité est souvent synonyme de peur : peur de la violence policière, peur des milices armées, peur des infrastructures qui ne protègent pas mais contrôlent. En réponse, les jeunes femmes proposent une vision alternative : la sécurité comme autonomie. Cela signifie permettre aux communautés de s’organiser elles-mêmes, de gérer leurs propres ressources et de répondre à leurs besoins, sans dépendre d’acteurs qui priorisent leurs propres intérêts.

Prenons l’exemple des initiatives locales en République démocratique du Congo, où les jeunes femmes ont créé des réseaux de soutien pour les survivantes de violences sexuelles. Ces réseaux ne sont pas simplement des services de réponse ; ils redéfinissent la sécurité comme un processus d’autonomisation collective, centré sur la dignité et le pouvoir d’agir des individus.

Les jeunes femmes comme stratèges de sécurité mondiale

Les jeunes femmes ne se contentent pas de travailler au niveau local : elles apportent également des perspectives novatrices aux débats globaux sur la sécurité. Dans un monde marqué par des crises transnationales – changement climatique, cybermenaces, migrations massives – elles refusent les réponses simplistes. Elles insistent sur des solutions qui s’attaquent aux causes profondes plutôt qu’aux symptômes.

Un exemple frappant est l’approche des jeunes femmes face au changement climatique. Contrairement aux discussions dominées par des experts techniques, elles mettent en lumière les liens entre la destruction écologique et les injustices sociales. Dans le Pacifique, les jeunes femmes des communautés insulaires militent pour que les déplacés climatiques soient reconnus comme des acteurs, et non comme des victimes. Leur travail est un rappel que la sécurité climatique ne consiste pas seulement à prévenir les catastrophes, mais à garantir la justice pour les populations affectées.

En matière de cybersécurité, les jeunes femmes mènent également des initiatives innovantes. En Afrique de l’Est, par exemple, des collectifs féminins développent des campagnes éducatives contre la désinformation genrée. Elles ne se contentent pas de réagir aux attaques numériques ; elles développent des outils pour renforcer la résilience des communautés en ligne, créant ainsi une nouvelle vision de la sécurité numérique comme espace de protection collective et de pouvoir partagé.

Déconstruire l’idée même de la sécurité

Ce qui distingue les jeunes femmes dans les débats sur la paix et la sécurité, c’est leur capacité à remettre en cause les récits dominants. Elles ne se contentent pas d’appeler à une place dans les structures existantes ; elles interrogent la légitimité de ces structures elles-mêmes.

Pourquoi, demandent-elles, la sécurité est-elle encore pensée en termes de frontières, de contrôle et de force ? Pourquoi les réponses militarisées sont-elles privilégiées, même lorsque leur échec est évident ? Pourquoi les budgets de la sécurité mondiale continuent-ils d’ignorer les besoins fondamentaux – accès à l’éducation, santé reproductive, justice sociale – qui sont au cœur d’une véritable paix ?

Ces interrogations ne visent pas simplement à critiquer : elles ouvrent des possibilités pour imaginer des systèmes entièrement nouveaux. Un exemple concret est le travail des jeunes femmes activistes en Colombie, qui expérimentent des formes de médiation et de justice restauratrice basées sur des traditions locales. Plutôt que de reproduire les modèles de justice imposés par l’extérieur, elles construisent des approches enracinées dans les réalités culturelles et historiques de leurs communautés.

Vers une sécurité radicalement inclusive

La Résolution 1325 a été une étape cruciale pour faire reconnaître les femmes comme des actrices de la paix et de la sécurité. Mais un quart de siècle plus tard, il est temps de dépasser ses limites. La sécurité, telle que définie en 2000, ne reflète pas pleinement les réalités d’un monde en mutation.

Les jeunes femmes, avec leurs expériences intersectionnelles, apportent une compréhension élargie de ce que la sécurité peut et doit être. Elles refusent les silos artificiels entre sécurité économique, sécurité environnementale, sécurité numérique et sécurité physique. Leur vision est radicalement inclusive, intégrant les besoins des femmes 2SLGBTQI+, des femmes autochtones, et des femmes racialisées, souvent laissées en marge des discussions globales.

Cette inclusion n’est pas un geste symbolique : elle est une nécessité stratégique. Dans un monde où les menaces sont de plus en plus complexes et interconnectées, les solutions ne peuvent venir que d’une diversité d’acteurs, avec des perspectives riches et multiples. Les jeunes femmes ne sont pas seulement des voix parmi d’autres ; elles sont des expertes, des stratèges et des innovatrices qui redéfinissent ce que signifie construire un avenir sûr.

Conclusion : La sécurité comme espace de transformation

Alors que nous commémorons le 25ᵉ anniversaire de la Résolution 1325, il est tentant de se tourner vers le passé pour mesurer les progrès. Ceci-dit, les jeunes femmes nous rappellent que la sécurité est avant tout une question d’avenir. Leur travail, souvent invisible mais profondément transformateur, nous invite à repenser non seulement qui participe aux discussions sur la sécurité, mais aussi ce que ces discussions devraient inclure.

La sécurité, vue à travers leurs yeux, n’est pas un état à atteindre, mais un processus à construire ensemble. C’est un espace où la justice, la dignité et l’autonomie remplacent la peur et le contrôle. Dans ce monde qu’elles imaginent, la paix n’est pas seulement l’absence de guerre : c’est la présence de systèmes qui permettent à chaque individu, et à chaque communauté, de prospérer.

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